L'habit fait-il le Moi ?

- "Il faut soigner les apparences" - est devenu le mantra de notre époque... Mais loin d'être superficiel, le vêtement favorise les affinités.

Arrêtons de chercher la spécificité de la nature humaine dans l'art, la politique ou la religion. Ce qui fait que l'homme est homme est bien plus trivial, et c'est sa capacité à s'habiller. Pour faire court : "l'homme est un animal qui s'habille". Mais lorsque l'on parle de s'habiller, il ne faut pas uniquement l'entendre dans son sens strict c'est à dire vestimentaire. Car, par "habits" on désigne en réalité toutes les secondes peaux artificielles dont l'homme se revêt au sens large du terme. Expressions faciales, gestuelles, mots écrits et parlés, nourriture, travail, amis, amour, famille, décorations d'intérieur, maisons... Tout cela n'est rien d'autre que des couches d'habits superposés et plus ou moins bien entrelacés, des enveloppes signifiantes et protectrices sans lesquelles ce que St Augustin appelait "le mouvement, l'être et la vie" n'existerait pas au niveau de l'espèce humaine.

C'est à partir de telles considérations que l'on peut saisir les vraies raisons du succés de la mode depuis une trentaine d'années. Certains pensent que cette promotion s'explique par la victoire de valeurs artificielles dans des sociétés elles-mêmes de plus en plus surfaites. La mode ne serait ainsi que du luxe, c'est à dire quelque chose dont on pourrait se passer, mais qu'on utilise pour briller en société. La raison d'être du phénomène se situe ailleurs : l'élévation de la mode au rang d'art à part entière signifie en fait que notre époque a pris conscience de la primauté de ce qui environne sur ce qui est environné. Notre époque est celle du design tout-puissant. Une seule devise pour tout le monde : "il faut sauver les apparences."

Sommes-nous condamnés à vivre le restant de nos jours dans une sorte de dictature du design ?